En direct de Kos ( Grèce)
Notre camarade Ja’mi, militant du Collectif Montpelliérain de solidarité avec la Grèce, est reparti pour l’île de Kos ( jumelée avec Montpellier) afin de participer au soutien que la petite association Los-Solidarity apporter aux réfugiés.
A noter soirée d’information débat sur la Grèce vendredi 8 avril 18 h espace Martin Luther King Montpellier ( voir tract en fin d’article)

Kos, fin-Mars 2016.
Climat lourd dans l’Egée, à croire que le printemps peine à s’installer sur les côtes du Dodécanèse entre trombes d’eau et violentes bourrasques. Sale temps donc pour le tourisme, ressource primordiale de l’île où de nombreuses échoppes restent volets clos. Pis encore bien sûr pour les populations réfugiées, frappant aux portes verrouillées d’une Europe tétanisée par les récentes tueries aveugles à l’encontre de gens simples, semblables à ceux-là mêmes qui, précisément en très grand danger, fuient misères, guerres et barbaries alimentées à distance.
Or en Mer Égée, une onde de choc menace de faire céder les maillons humanitaires patiemment déployés au fil des mois. Suite à l’entrée en application du (scandaleux) marchandage entre la Commission européenne dépourvue de toute vaste vision sociale émancipatrice et l’autocratique régime turc, des “poids lourds” comme MSF (médecins sans frontières) et le HCR (haut comité aux réfugiés des Nations unies) risquent de “plier bagage”. Refus catégorique de se retrouver cantonnés à des tâches annexes de police à l’encontre de tous les Étrangers (non occidentaux évidemment) désormais criminalisés et donc systématiquement arrêtés. Puis déportés… pardon, ré-acheminés vers la Turquie ou autres paradis du même tabac. Piétinement de valeurs universelles qu’hier encore on allait prêchant et, tout aussi grave, fracas brutal des rêves et espoirs pour une jeunesse d’ailleurs aux vingt ans broyés. Avec quelles conséquences pour l’avenir ?
Kos-Solidarity veille dans la mesure de ses moyens sur les quelques centaines de réfugiés pris au piège. Le CAO, camp d’accueil et d’orientation (comprendre de rétention ou en nom-gadget “hot spot”) prévu en Février n’étant pas encore achevé, les sorties légales de l’île sont désormais gérées par la police locale seule qui ne dispose dans ses très vétustes locaux que d’environ 70 “places” réparties en trois ou quatre cellules… dignes du film Midnight-Express, selon une amie grecque. Jusqu’à présent, les femmes et les enfants mineurs échappent à cette “étape” de la procédure. Quant aux hommes (jeunes majeurs) 70 d’entre eux sont déjà sous les verrous et “enregistrés” pour être “évacués sous huitaine”. Tout le reste (la grande majorité) demeure “en attente de détention” donc… momentanément libre, à l’abri sous de grandes tentes dans un parc du centre-ville (on ne dit plus “jungle”, progrès !) ou dans quelques rares hôtels solidaires.

Destination ciblée, la Turquie donc. Soit directement soit via d’autres camps de rétention en Grèce, devenue à son insu la souricière géante de l’Europe. De quoi donner froid dans le dos aux autochtones se souvenant encore des sinistres camps du XXème siècle (nazis voire mussoliniens, puis britanniques et plus récemment ceux des colonels…)
En amont, compte tenu de la météo (vents très violents et fortes précipitations) et d’une surveillance accrue côté turc, le nombre des nouveaux arrivants a fortement chuté. Paradoxalement la tâche de Kos-Solidarity n’en est qu’autrement plus dure. D’abord parce que plus rares sont les tout premiers échanges mutuellement ressourçants avec les réfugiés. Et que dire maintenant, comment parler à ces jeunes que l’on croise dans la journée, à nos enfants ou petits-enfants, en sachant déjà leur avenir marqué du sceau “interdit d’Europe” ?
Tout cela fait que l’onde de choc est aussi parvenue à ébranler Kos-Solidarity. Usure inévitable après tant de mois sur la sellette pour les courageux membres fondateurs, longtemps seuls à offrir pain et humanité. Plus grave est l’amertume née des désillusions.. Toute cette solidarité pour aboutir aujourd’hui à l’abandon légalisé de populations en danger faute de relais populaires massifs au sein de notre Europe décidément lobotomisée ? Chacun est partagé même parmi les rares bénévoles du moment. Le citoyen en soi refusant de collaborer à l’odieux processus en cours. Et l’humaniste qui, comme les infirmières en grève, au bout du compte fera au mieux. Jusqu’aux grilles des cellules où à 17h Kos-Solidarity persiste à distribuer eau et maigre collation à 70 personnes.
Au final, à l’échelle mondiale, la potion se révèle d’autant plus amère qu’en termes de dignité humaine, personne nulle part n’en ressort grandi. Qui peut dire ce que demain récoltera notre coin de planète, n’ayant su aujourd’hui globalement semer que frustration et ressentiment ?
Au moins les familles avec enfants échappent-elles à cette épreuve à la Zola. Elles demeurent logées dans de rares hôtels qui, information prise, n’auraient eu de “solidaires” que la gratuité (assumée par le HCR), aucunement l’intendance : chambres à l’eau chaude coupée, ménage et lingerie carrément négligés.
Heureusement mieux lotis, les 40 à 50 enfants mineurs arrivés tout seuls (!) des cauchemars de l’exode sont hébergés convenablement ailleurs et placés sous la responsabilité directe du HCR. Avec a priori la garantie de trouver rapidement refuge dans les pays “les plus motivés” de l’UE…
Faire quelque chose en aval, étant donné l’urgence. Accueillir momentanément chez soi un (ou des) réfugié(s) au lieu de les laisser parquer dans de mêmes lieux, cibles faciles pour meutes xénophobes ? Un mois ou deux, le temps de s’ancrer socialement.
Fin du voyage, vraiment ?
Tract réunion publique : reu__debat_8_avril_2016.pdf