Face aux violences patriarcales : riposte féministe et anticapitaliste !

Le 19 novembre dernier, à l’appel du collectif NousToutes et de l’inter-orga féministe, plusieurs milliers de manifestant.es marchaient dans les rues de Montpellier. Comme toujours pour les marches féministes, c’était joyeux, coloré, jeune et très revendicatif.

Plusieurs haltes et prises de parole ont ponctué le parcours. Devant la Préfecture, des militant.es iranien.es se sont exprimé.es au nom de leur peuple qui se bat en ce moment, sous la belle bannière du slogan « femmes, vie, liberté », et est violemment réprimé. Devant le palais de justice, le collectif « enfantiste » a dénoncé l’inaction face au nombre effrayant d’enfants victimes de violences sexuelles : 160 000 chaque année Devant la Gare, la chorale Queer a chanté « Filles de lesbiennes » et, reprise par la foule,  la « Cancion sin miedo » de Vivir Qintana, sur les féminicides.

Dans la marche, un cortège syndical était organisé par la FSU, de la CGT et de Solidaires qui en a assuré l’animation avec énergie, afin de dénoncer les violences et l’oppression au travail. Le cortège anticapitaliste, dans lequel nous étions, a aggloméré beaucoup de monde, en annonçant la couleur : « Face aux violences patriarcales, riposte féministe et anticapitaliste » Enfin, de retour sur la Place de la Comédie, entre deux battucadas, NousToutes a déroulé les revendications de la marche et annoncé les actions à venir, dont la marche en non-mixité choisie du vendredi 25 novembre organisée par l’AG féministe (RDV à 19h à Plan Cabannes)

La manif passée, je m’interroge.

Tout d’abord, sur le refus du pouvoir de s’attaquer aux violences sexistes et sexuelles. Les chiffres donnent le tournis : 225 000 femmes victimes de violences chaque année. En France, une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon. Ce nombre ne diminue pas : on en est à 101 le 20 novembre 2022, d’après https://www.feminicides.fr/. Or, 65% des victimes de féminicides avaient déjà saisi la justice ou la police. Les actes de violence anti LGBTQ+ ont doublé ces 5 dernières années. Toutes les femmes et minorités de genre sont concernées par diverses formes de violence, qui sont ancrées dans le système global de domination et d’exploitation qu’est le capitalisme, car la précarité, les temps partiels imposés, les métiers sous-payés et dévalorisés fragilisent davantage les femmes.

Sur la question des luttes contre les violences, on sait ce qu’il faut faire et combien ça coûte : deux milliards, que le gouvernement s’obstine à ne pas débloquer alors qu’il va donner dix milliards aux entreprises pour faire face à la crise énergétique (mais pas seulement aux PME, à celles du CAC 40 aussi !) La « grande cause du quinquennat » a fait pschitt, comme toutes les stratégies de communication minable de ce gouvernement qui cache son manque de volonté à agir sous des discours ronflants.

Deux milliards pour former les magistrats et policiers, accueillir en urgence toutes les femmes et minorités de genre qui fuient les violences, donner aux associations qui luttent sur le terrain les moyens de faire de la prévention, de l’éducation, de l’accueil  – y compris pour la prise en charge des auteurs – mener dans l’éducation nationale une véritable politique d’éducation non genrée et non sexiste. Car la violence de genre est systémique.

Virginie Despentes fait dire à son héroïne, Rebecca dans Cher Connard (pages 72-73)

« C’est une histoire d’éducation […] On supporte très bien l’idée que les femmes soient tuées par les hommes, au seul motif qu’elles sont des femmes. […] Imagine qu’à la place des femmes qui sont tuées par les hommes, il s’agisse d’employés tués par leurs patrons. L’opinion publique se raidirait davantage. Tous les deux jours, la nouvelle d’un patron qui aurait tué son employé. On se dirait, ça va trop loin. On doit pouvoir aller pointer sans risquer d’être étranglé ou criblé de coups ou abattu par balles. Si tous les deux jours, un employé tuait un patron, ce serait un scandale national. Pense à la gueule des gros titres : le patron avait déposé  trois plaintes et obtenu un ordre d’éloignement mais l’employé l’a attendu devant chez lui et l’a abattu à bout portant. C’est quand tu le transposes que tu réalises à quel point le féminicide est bien toléré. Les hommes peuvent te tuer. ça flotte au-dessus de nos têtes. On le sait. C’est comme si on te recommandait de jouer à la roulette russe […]. »

L’éducation de toutes et tous, c’est aussi la clé.

Comme la solidarité internationale, ce qui m’amène une autre réflexion, à propos de la magnifique et flamboyante révolution qui se déroule actuellement en Iran. La timidité de la solidarité exprimée en France est difficile à comprendre. Ce n’est pas parce que les réactionnaires de tous poils en France profitent honteusement de la situation pour stigmatiser les femmes voilées ici, que cela doit jeter le discrédit sur la lutte des Iraniennes et nous empêcher une pleine solidarité… Petite parenthèse sur l’actualité de la coupe du monde au Qatar : l’acte courageux des footballeurs iraniens qui ont gardé le silence lorsque résonnait l’hymne de leur pays montre bien que le sport est politique, n’en déplaise à Macron. Cette lutte est la nôtre, celle pour la liberté, contre l’oppression patriarcale et théocratique. Il est urgent que s’organisent des rassemblements massifs pour le crier haut et fort.

Sortir de l’aliénation, s’émanciper collectivement, développer la sororité, et passer à l’action, c’est aussi le sujet du très beau documentaire « Riposte féministe », de Marie Perennès et Simon Depardon sur les « Colleuses ». On y voit les groupes d’une dizaine de villes en France, qui collent leurs slogans sur les murs pour qu’on ne puisse pas détourner le regard. L’une d’elles raconte ce « Je te crois » énorme, qui lui a fait tant de bien. Toutes portent un discours radical sur la société et le patriarcat.

Nous sommes fortes, nous sommes fières et féministes et radicales et en colère !

Delphine Petit

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